L’accident ferroviaire de la gare Montparnasse

L’accident ferroviaire de la gare Montparnasse
L'accident de la gare Montparnasse est un accident ferroviaire français survenu le 22 octobre 1895 à la gare de Paris-Montparnasse, lors de l'arrivée du train express no 56 desservant la ligne de Paris à Granville. Il provoque un décès et de nombreux dégâts matériels ; son caractère spectaculaire en fait l'un des accidents ferroviaires les plus connus de l'histoire des chemins de fer français. Dès les premières heures le mécano, le chauffeur et le conducteur de tête sont interrogés. Les trois parlent d’une panne de frein. On s’en serait douté. Sur les trois passages repères avant la gare Montparnasse, à Ouest-Ceinture, ça freine, à Procession aussi, mais à Château, soit quelques mètres avant l’arrivée, c’est mort, le train est à 65km/h. L’ordre de renverser la vapeur est donné, celui d’actionner le freinage d’urgence aussi, mais on s’en est rendu compte trop tard… Le train est arrivé à 40km/h. Il y a eu débat : est-ce que le conducteur a fait tout ce qu’il fallait ? Manifestement, non. Il aurait dû ouvrir le robinet de secours du frein à air, alors qu’il a seulement utilisé le frein à main de la locomotive. Concrètement, c’est un peu du chinois pour moi la mécanique de train… Le fait est que deux bonshommes, le mécano et le conducteur ont été reconnus coupables, mais pas trop. Il y a tellement de circonstances atténuantes que le mécano se retrouve à deux mois de prison avec sursis et 50 francs à payer, et le conducteur de tête à 25 francs d’amende.

Circonstances de l'accident

Initialement construite par la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, et appelée de ce fait à l'origine  Gare de l'Ouest, la gare du boulevard du Montparnasse est en 1895 utilisée comme terminus à la fois par le réseau de l'Ouest (lignes vers Versailles-Rive-Gauche, Granville, Le Mans, notamment) et celui de l'État (lignes vers Nantes, Saumur, Niort, Bordeaux notamment). Une fois entrés dans Paris par les communes limitrophes de Vanves et de Malakoff, les trains y accèdent par un parcours coupant de nombreuses rues par des passages à niveau et se terminant, après franchissement en viaduc de l'avenue du Maine et du boulevard Edgar-Quinet, dans un hall à deux travées dont les six voies en cul-de-sac surplombent de neuf mètres le carrefour de la rue de Rennes et du boulevard du Montparnasse. Le 22 octobre 1895, le train no 56 part de Granville à 8 h 45, pour Paris où il doit normalement arriver à 15 h 55 sur la voie 6 de la gare Montparnasse. Le convoi est tracté par la locomotive no 721, de type 120, dont le mécanicien est Guillaume Pellerin et le chauffeur Victor Garnier. Derrière le tender, suivent deux fourgons à bagages, un wagon postal, puis dix voitures de voyageurs dont une voiture-salon no 1506 occupé par la famille d'Albert Christophle, gouverneur du Crédit foncier, et un dernier fourgon à bagages. Lors de son passage à Versailles-Chantiers, le train accuse un retard de sept minutes sur son horaire. Il en regagne deux lorsqu'il aborde l'avant-gare de Paris-Montparnasse, mais malgré des tentatives, ne parvient pas à s'arrêter à temps. Suscitant l'affolement général en pénétrant sous le hall à une vitesse d'environ 40 km/h, il pulvérise le butoir formé de trois pièces de bois superposées, puis transperce le béton du terre-plein situé au bout des voies et le mur de la façade surmonté d'une cloison vitrée et, bien que fortement ralenti par ces obstacles successifs, traverse la courte terrasse surplombant la place de Rennes et défonce son balcon. Emportée par son élan, la locomotive bascule dans le vide et son extrémité avant s'enfonce dans le sol à l'emplacement d'une station de tramway, détruisant un kiosque-abri. Les attelages ayant résisté, le tender, qu'elle entraîne dans sa chute, reste suspendu, accroché au fourgon de tête demeuré avec le reste du train au niveau des voies. Il est exactement 16 h, comme en témoignaient les pendules électriques de la gare, toutes arrêtées lors de l'accident.

Bilan de l’accident

L'évènement provoque un décès, celui d'une marchande de journaux installée à la station de tramway, Marie-Augustine Aiguillard, 39 ans, mère de deux enfants de 5 et 9 ans, écrasée à la fois par une pierre tombée de la façade et par le cendrier de la locomotive. L'abri est vide de voyageurs au moment de l'accident et le tramway bondé de la ligne de Montparnasse à Étoile qui y stationne en attente du départ est éloigné du point de chute par ses chevaux, affolés par le fracas provoqué par l'évènement. Madame Pelletier, tenancière d'un kiosque à journaux accolé à la façade juste dans le prolongement de la voie 6, s'enfuit à temps en voyant le convoi foncer sur elle. Le mécanicien Pellerin et le chauffeur Garnier, projetés hors de leur machine lors du choc avec le butoir, le premier à droite dans l'entrevoie, le second à gauche sur le quai, subissent de légères blessures. Les voitures du train, dont la décélération brutale aurait pu provoquer un télescopage, restent sur les rails, retenues à la fois par l'effet du frein à air dont la canalisation s'était rompue et par celui du frein à main du fourgon de queue. Leurs passagers subissent quelques contusions sans gravité. Parmi eux se trouvent notamment trois députés de l'Orne montés en gare de Briouze : Félix de Lévis-Mirepoix, Albert Christophle (également gouverneur du Crédit foncier de France) et Jules Gévelot1.

Causes de l’accident

Interrogés immédiatement après l'accident, le mécanicien et le chauffeur invoquèrent une panne du frein à air type Westinghouse, qui avait normalement fonctionné lors du ralentissement sur les aiguillages de la gare d'Ouest-Ceinture, puis au passage à niveau de la rue de la Procession, mais s'était révélé défaillant à celui de la rue du Château, quelques centaines de mètres avant l'arrivée. Ils avaient bien tenté de réduire leur vitesse, qui était alors de 65 km/h en renversant la vapeur et en sablant, tout en sifflant pour demander aux conducteurs d'actionner le freinage d'urgence, mais ces manœuvres s'étaient avérées insuffisantes pour arrêter le convoi à temps. En effet, l'inversion du sens de marche avait eu lieu trop tardivement, seulement quelques dizaines de mètres avant le butoir, et le conducteur-chef, omettant d'ouvrir le robinet de secours du frein à air, avait juste serré le frein à main de son fourgon.

Suites de la tragédie

La nouvelle de l'accident, survenu en plein après-midi, se propagea rapidement. M. Dupuy-Dutemps, ministre des Travaux publics, et M. Lépine, préfet de police, présents sur les lieux dès 17 h 30, firent mettre en place un important service d'ordre assuré par vingt gardes municipaux à cheval et cent à pied pour canaliser la foule des badauds venus observer le spectacle.  Afin de contourner les barrages de police, des milliers de curieux achetèrent à la gare, qui continuait de fonctionner, des billets pour les destinations les moins chères, sans prendre le train mais seulement pour accéder aux quais et voir la rame accidentée. Dans les journaux du lendemain, les titres se firent parfois goguenards, et durant cinq jours, la presse populaire traita à l'instar d'un feuilleton les péripéties de l'évacuation de la locomotive, alors que sur place, l'affluence ne faiblissait pas, constituant une excellente aubaine pour les compagnies de transports en commun et les commerçants du quartier. L'évènement fit même les titres de la presse aux États-Unis. Si le tender avait pu être solidement arrimé de manière à éviter tout risque de chute, la position dangereusement instable de la locomotive, pesant une cinquantaine de tonnes, suscita la perplexité des ingénieurs chargés de la dégager. Afin d'éviter tout nouvel accident, on procéda avec prudence en décidant de la faire glisser sur un lit de madriers construit en escalier. Les deux premières tentatives faisant intervenir une cinquantaine d'hommes, puis une quinzaine de chevaux pour la tirer, échouèrent. Ce n'est que le 25 octobre que l'opération put être menée à bien grâce à un énorme treuil et de puissants vérins. Restée quasiment intacte, avec juste le petit piston détruit et quelques pièces faussées, la machine fut hissée sur un chariot trainé par vingt-cinq chevaux et transportée aux usines Cail de Javel pour y être examinée par l'ingénieur des mines Lévy, expert désigné par le juge d'instruction.