N'ayant pas encore été officiellement découverte, une saloperie chimique, qui prendra peut-être la forme d'un composé hautement cancérigène ou d'une molécule dangereuse, est en toute probabilité consommée sereinement chaque jour par une majorité de nos concitoyens. Bientôt interdite, retirée d'urgence de tous les produits et largement médiatisée, cette future saloperie est pourtant, pour quelques temps encore, absorbée de bon cœur par des bébés, des enfants, des personnes âgées, fragiles ou encore des individus qui, si le choix leur était donné, éviterait de favoriser le développement d'un cancer ou d'une autre maladie grave.
Si les professionnels de l'agro-alimentaire ont probablement une idée assez précise de l'identité et de la dangerosité du poison, qu'ils incluent volontairement dans leurs ingrédients, il n'en est pas de même pour les autorités publiques concernées ou les associations de consommateurs. Philippe D'Isize est ingénieur chimiste pour l'InVS, L'institut national de veille sanitaire. Pour ce scientifique engagé, cette incertitude reste difficile à supporter : « Nous savons pertinemment qu'un scandale sanitaire d'envergure va éclater dans les mois ou années à venir, mais nous ne savons pas quels produits interdire ! Le danger viendra-t-il d'un certain type d'emballage ? D'une molécule ? D'un colorant ? Personne ne peut ou veut le dire ».
Les cigarettes, plus rassurantes que le contenu du chariot
Côté consommateur les réactions sont variées : « Avec les cigarettes je sais à peu près comment je m'empoisonne, je suis bien informé, je sais ce que je peux chopper et cela me permet de réguler ma consommation » confie Marco, 23 ans, « Mais avec la bouffe j'en sais rien, et ça c'est pénible ! On nous le dit au bout de plusieurs années et là c'est la surprise... cancer ceci, perturbation hormonale cela, on peut même pas choisir ! ».
« J'essaye de varier un maximum mon alimentation et celle de mes enfants » déclare Fatima, 33 ans, une maman très pragmatique « Comme ça je me dis qu'on attrapera un tout petit peu de toutes ces maladies, et ça c'est mieux que tout miser sur une seule, qui sera peut-être la pire ! ».
Le bio : une roulette Russe avec moins de balles
Quid de l'alimentation 100% bio ? Consommer des produits entièrement naturels serait-ce la solution pour passer à travers les conséquences sanitaires désastreuses de cette future saloperie ? Pas si simple répond Lucas Ricco, nutritionniste spécialiste de l'alimentation biologique « Cette future saloperie est peut-être dans la terre ou l'eau dont sont issus vos légumes. De plus, nous savons pertinemment que les labels "bios" ne sont pas fiables. Non, si vous ne voulez pas ingérer cette future saloperie, il faut arrêter de manger... Et de respirer... Et de vous laver. Vous voulez un bonbon ? » conclura, non sans humour le nutritionniste, avant de prendre congé pour se rendre à sa "chimio" hebdomadaire.