Grenoble : Il s’imagine de tabasser son patron mais l’écoute poliment
Une fois de plus, la tragédie a été frôlée de peu. C'est vendredi en milieu d'après-midi que, ce qui aurait pu être un massacre d'une extraordinaire violence, ne se sera finalement pas passé. Des sources confirment en effet que le long monologue ininterrompu, mélange d'auto-satisfaction suffisante et de médisance perfide, entamé 30 minutes plus tôt par Bernard M., chef de projet à Virtusoft Technologies, s'est finalement terminé, sans que la moindre goutte de sang ne soit versée, ni même que son sourire supérieur et méprisant ne disparaisse définitivement, fracassé avec frénésie contre le rebord métallique de son bureau.
Julien R, ingénieur de 31 ans et unique destinataire du discours, n'écopera pas de la peine de 20 ans de prison ferme, généralement encourue pour « homicide volontaire avec torture et plaisir de la donner». Une peine qui aurait toutefois été réduite à 15 ans pour circonstances atténuantes, suite au témoignages accablants de l'ensemble des employés situés sous la responsabilité despotique de Bernard M.
Contrairement à ce qui s'est passé dans l'imagination exacerbée du jeune ingénieur, les propos dégradants et les sous-entendus graveleux de son patron, proférés à l'encontre de sa collègue Marie actuellement en congé maternité, n'ont finalement pas été interrompus, ni même sanctionnés par un déchaînement libérateur de violence gratuite. Des sources internes confirment d'ailleurs que, contrairement à l'une des scènes secrètement imaginées par Julien R., les organes génitaux de Bernard M. n'ont pas été arrachés à mains nues afin d'être jetés dans la « Coupe du Meilleur Manager Virtusoft 2008 » qui trône sur son bureau depuis 5 ans.
En outre, des témoignages concordants d'employés présents sur les lieux du crime de pensée confirment l'importante disparité entre les faits réels, où les propos xénophobes à peine masqués de Bernard M. vis-à-vis de sous-traitants d'origine pakistanaise ont été prononcés sans la moindre objection, et les faits imaginés, où une sitar traditionnelle entrait par la force dans le corps gigotant du cadre supérieur allongé sur une photocopieuse.
Tout porte donc à croire que, dès lundi matin, Bernard M., à l'origine de la dépression de 15% de ses subordonnés et du stress chronique de 90% d'entre eux, sera de retour à son poste, comme si de rien n'était. De plus, la grande réunion de service planifiée et animée par ce dernier aura donc probablement lieu en ce début de semaine. Une interminable réunion mensuelle au cours de laquelle Julien R. et nombre de ses collègues se rendront coupables une fois de plus, dans le silence de leur imagination, de supplices cruels et de vengeance sadiques, tout en faisant semblant de noter sur leurs calepins les propos désobligeants et souvent complètement hors-sujet de leur supérieur hiérarchique.