CONCARNEAU, FINISTÈRE - C'est la douche froide pour Magali et Sylvain qui viennent de découvrir simultanément que Magali simulait ses orgasmes, alors que Sylvain, lui, simulait le reste de leur mariage. Envisageant sérieusement le divorce, le couple de Bretons risque bien de ne pas résister à ce déluge de vérités. Rencontre.
Un petit excès d'alcool, un jeu sur téléphone : tels auront été les éléments déclencheurs du drame. Alors qu'ils font l'amour, Magali, passablement ivre, saisie discrètement son téléphone, posé sur la table de nuit, afin de« tenter de passer le niveau 72 » d'un jeu auquel elle est devenue "accro". Pendant qu'elle tente d'aligner des formes colorées tout en essayant de détruire d'envahissants morceaux de chocolat, elle pousse des gémissements, des soupirs et des cris tout à fait caractéristiques d'une femme qui "prend du plaisir". Seulement voilà : Sylvain, lui, a fini depuis quelques minutes et l'observe en silence, abasourdi et humilié.
Sylvain simule un moment romantique avec Magali
« Jamais j'aurais cru qu'elle puisse simuler, je veux dire, ça se passait super bien et puis bon, je suis pas mauvais, on m'a même dit plusieurs fois que j'étais plutôt un bon coup » affirme l'homme de 37 ans, insistant sur le fait que "personne ne s'était jamais plaint" et rappelant qu'il n'avait jamais connu pareille harmonie sexuelle avant Magali. « Si elle m'avait dit que ça lui plaisait pas, j'aurais fait d'autres trucs ! » s'insurge-t-il, avant de citer une "panoplie de moves" qu'il "gardait sous le coude au cas où".
Profondément vexé, Sylvain avoue dans la lancée avoir simulé tout le reste de la relation, c'est-à-dire tous les aspects de leur mariage, à l'exception du sexe. Comment un homme, psychologiquement équilibré, normalement éduqué et bien entouré peut-il en arriver là ? D'après cet éducateur spécialisé de profession, il ne s'agit pas d'une décision réfléchie mais plutôt d'une lente dérive, d'un cercle vicieux qui s'est amorcé dès les prémisses de la relation : « On commence par simuler la curiosité et l'intérêt pendant les premiers rendez-vous, puis très vite, on simule un début d'attachement, et c'est l'engrenage. Avant qu'on s'en aperçoive on est en train de simuler une relation » explique-t-il, avouant que le sexe reste, pour lui, le principal moteur.
Quand il devient père pour la 2ème fois, Sylvain réalise l'ampleur de l'imposture
« Quand j'ai commencé à simuler le fait d'être père d'une seconde petite fille, j'ai réalisé que j'étais allé trop loin, mais c'était trop tard » déplore Sylvain, en faisant semblant de changer une couche - « Et puis on se dit, je vais me faire griller, à l'école les autres parents ou la maîtresse vont se rendre compte que je suis pas "un vrai père", que je ne suis qu'un acteur... et puis non, ça passe ! Personne ne se rend compte de rien et le mensonge continue ! ».
« Le jour où j'ai fait semblant de me marier, j'étais motivé par la nuit de noce et tout ça... Mais dès que ça s'est fini, j'ai réalisé que j'avais vraiment franchi une nouvelle étape dans le mensonge. A partir de là, j'étais bloqué, je devais jouer le mari tous les jours. j'avais pas le choix » raconte Sylvain, visiblement libéré maintenant que la vérité a éclaté au grand jour, et que l'idée de divorce est sur le tapis.
« Il mérite un Oscar ! »
Pour Magali, elle aussi éducatrice spécialisée, le choc est rude : « Sylvain mérite un Oscar ! Son rôle de mari, de père, de gendre... c'était tellement réaliste... tellement parfait... même si aujourd'hui je suis en colère, il faut bien reconnaître que c'est un des meilleurs acteurs de sa génération » concède-t-elle, partagée entre l'amertume et une certaine admiration envers celui qui, pendant 14 ans, a su interpréter avec conviction une vie qui n'était pas la sienne.
« Maintenant que l'abcès est percé, nous devons essayer de nous apprivoiser, de nous connaître, pour voir si ça peut marcher » confie avec philosophie la jeune femme qui découvre, pour la première fois, la personne avec laquelle elle a fondé un foyer : « Sylvain semble être une personne intéressante, mais nous sommes très différents, c'est vrai. Il a l'air de beaucoup aimer sortir alors que moi je suis plutôt casanière... Il n'aime pas trop les enfants alors que moi je les adore... Il est très ambitieux et voudrait faire carrière dans la finance, alors que moi, bosser dans le social est vraiment ma vocation. Mais bon, ne dit-on pas que les opposés s'attirent ? En tout cas, moi, je ferai tout pour que ça marche ».