C.V. bidonné : le neuro-chirurgien n’avait qu’un diplôme d’infirmier

C.V. bidonné : le neuro-chirurgien n’avait qu’un diplôme d’infirmier
AVIGNON, VAUCLUSE - C’est une affaire qui aurait pu très mal finir. Embauché depuis 6 mois dans une clinique spécialisée Avignonnaise comme neuro-chirurgien en chef, le mythomane de 41 ans a été contraint de révéler sa véritable identité quelques secondes avant d’opérer le lobe pariétal d’un patient anesthésié. Amateur de séries médicales, agguéri aux techniques d’improvisation théâtrale, l’homme n’avait jamais éveillé le moindre soupçon. Reportage.

Jusqu’à la semaine dernière, Patrick Fiorano était toujours parvenu à repousser ou faire ajourner les opérations chirurgicales qui lui était affectées. Reclus dans son bureau, il déléguait son travail à l’équipe dont il était responsable. C’est une intervention urgente et non planifiée qui va révéler le pot-aux-roses : appelé au bloc opératoire pour l’ablation d’une tumeur au cerveau, l’homme va perdre son assurance habituelle et craquer devant “ses” infirmières.

“A mon avis, il a failli le faire, je suis heureuse d’être intervenu” se félicite Christelle, une des infirmières appelée en renfort ce jour là - “Il avait la même allure, la même prestance que les autres neurochirs mais ses ordres ne collaient pas, c’était incohérent”. Littéralement possédé par son personnage et galvanisé par le réel de la situation, Patrick, bistouri à la main, hurle des instructions aux infirmières qui l’assistent : “Adrénaline, 20 c.c. !” “Epongez moi ça !”. Sentant probablement le doute s’installer autour de lui, l’infirmier de formation redouble de commentaires pseudo-médicaux, de plus en plus décalés par rapport à la réalité. “A un moment, il criait qu’on “allait le perdre” alors que le patient était juste endormi” s’exclame Christelle en se rappelant la scène - “Il a même dit, je m’en rappelle bien, qu’il allait falloir retirer la balle à cause de l’hémorragie interne mais nous, on ne savait même pas de quoi il parlait, il était comme fou, moi je commençais à avoir peur de lui”. La jeune infirmière Avignonnaise sortira en courant du bloc opératoire pour aller prévenir le service de sécurité de l’hopital universitaire, mettant un terme à la supercherie.

Si Patrick Fiorano avait, 20 ans auparavant obtenu un diplôme d’infirmier, l’homme n’avait pas exercé depuis des années. Comment a-t-il pu se faire passer pour un expert international du cerveau devant tout un panel de professionnels véritables et cela pendant des mois ? Il semble que l’explication se trouve dans les hobbies du personnage. Fan de la série télévisée Docteur House et membres actif depuis 7 ans de la troupe d’improvisation théâtrale “Les Improvençaux” Patrick excelle dans l’incarnation réaliste de toutes sortes de personnages. L’improvisation théâtrale, discipline en plein essor, consiste à jouer des scènes sans aucune préparation, en s’adaptant instantanément aux propositions des autres acteurs ou du public. “Moi ça ne m’étonne même pas” commente Julia, 24 ans, membre de la même troupe d’improvisation - “Patrick a une répartie hallucinante, personne dans la troupe n’a jamais réussi a le mettre en défaut, et puis il est tellement à fond quand il joue, il est toujours super crédible”.

Ce sont près de 120 000 euros qu’empochera l’imposteur pendant la période qu’aura duré l’incroyable supercherie. La neuro-chirurgie, un des domaines les plus pointus de la médecine moderne étant aussi l’un des plus rémunérateurs. Au final, même si un certain déficit de crédibilité et une modique perte financière risquent de nuire temporairement à l'établissement spécialisé, chacun se félicite de l'absence de pertes humaines.

Cette affaire risque bien de relancer la polémique autour du sérieux du recrutement dans le milieu médical Avignonnais. Polémique née l’année dernière lorsqu’un ambulancier qui roulait sans permis de conduire, avait heurté le fauteuil roulant d’un patient fraîchement opéré, sur le parking d’une autre clinique privée de la citée fortifiée.