Le gaz naturel est une source d'énergie fossile majeure dans le mix énergétique français. De son extraction jusqu'à sa distribution, en passant par son transport, cette ressource énergétique fait l'objet d'une chaîne logistique complexe impliquant de nombreux acteurs. Sa consommation, sa production et son acheminement sont des enjeux stratégiques pour la France et l'Europe.
Définition et types de gaz naturel
Le gaz naturel est un mélange d'hydrocarbures gazeux composé principalement de méthane (CH4), présent naturellement dans les roches poreuses souterraines. Cette ressource énergétique fossile s'est formée il y a des millions d'années à partir de la décomposition de matières organiques.
Les types de gaz naturel conventionnel
Le gaz naturel conventionnel représente environ 80% de la production mondiale actuelle. Il se trouve dans des réservoirs facilement accessibles et s'extrait par des méthodes traditionnelles de forage. Sa composition type comprend :
- 70-90% de méthane (CH4)
- 0-20% d'éthane (C2H6)
- 0-20% de propane (C3H8)
- 0-5% de butane (C4H10)
Les gaz non conventionnels en plein développement
Les gaz non conventionnels nécessitent des techniques d'extraction plus complexes mais constituent des réserves importantes. On distingue :
Le gaz de schiste
Piégé dans des roches sédimentaires peu perméables, il requiert la fracturation hydraulique pour son extraction. Les États-Unis en sont le premier producteur mondial avec 23,2% de leur production gazière en 2022.
Le gaz de charbon
Présent naturellement dans les veines de charbon, son extraction se développe notamment en Australie et en Chine. Il représente environ 8% de la production mondiale de gaz naturel.
Les hydrates de méthane
Ces composés cristallins formés d'eau et de méthane se trouvent dans les fonds marins et le permafrost. Bien que leurs réserves soient considérables, leur exploitation reste techniquement difficile et économiquement non viable en 2024.
Chaîne de valeur du gaz naturel
La chaîne de valeur du gaz naturel comprend plusieurs étapes successives, de l'exploration jusqu'à la distribution aux consommateurs finaux. Chaque maillon de cette chaîne contribue à déterminer le prix final du gaz naturel sur le marché français.
Exploration et extraction : les premières étapes coûteuses
L'exploration nécessite des investissements importants en équipements de cartographie et sismographie pour identifier les gisements potentiels. Les coûts d'extraction varient ensuite selon le type de gisement :
- Gaz conventionnel : 2-5 € par MWh
- Gaz non conventionnel (schiste) : 5-10 € par MWh
Purification et traitement : une étape technique indispensable
Le gaz brut doit subir plusieurs traitements pour être commercialisable : - Déshydratation - Élimination du CO2 et du soufre - Séparation des liquides Le coût moyen de cette étape représente 1-2 € par MWh.
Transport et stockage : des infrastructures stratégiques
Le transport par gazoduc ou méthanier représente une part importante du coût final :
- Transport par gazoduc : 2-4 € par MWh/100km
- Transport GNL par méthanier : 4-8 € par MWh
- Stockage souterrain : 1-2 € par MWh
Distribution finale au consommateur
La distribution locale via le réseau de gaz ajoute environ 15-20 € par MWh au prix final. Au total, le prix moyen pour un consommateur français se décompose ainsi :
| Molécule de gaz | 30% |
| Transport/Stockage | 25% |
| Distribution | 30% |
| Taxes | 15% |
Acteurs principaux du marché du gaz naturel
Le marché du gaz naturel en France et à l'international repose sur plusieurs acteurs majeurs qui interviennent aux différentes étapes de la chaîne de valeur. Les deux principaux groupes français, TotalEnergies et Engie, occupent des positions dominantes dans ce secteur stratégique.
Les acteurs français dominants
TotalEnergies figure parmi les leaders mondiaux du gaz naturel. Le groupe assure l'extraction, le transport et la commercialisation du gaz naturel. En 2023, sa production de gaz naturel s'élève à 40 438,16 TWh. Le groupe dispose d'infrastructures de transport maritime avec une flotte de méthaniers pour acheminer le gaz naturel liquéfié (GNL).
Engie, ancien Gaz de France, gère le réseau de transport et de distribution de gaz en France. L'entreprise assure également le stockage dans des cavités salines et nappes aquifères. En 2022, Engie a distribué plus de 23,2% de la consommation française de gaz naturel.
Les acteurs internationaux majeurs
La Russie, via Gazprom, reste un fournisseur important avec 43,7 milliards de m3 exportés vers l'Europe en 2023. Les États-Unis ont exporté 60,8 milliards de m3 de gaz vers l'Europe, principalement sous forme de GNL. Le Qatar, avec 19,9 milliards de m3, et l'Algérie, avec 41,2 milliards de m3, complètent les principaux exportateurs vers l'Europe.
Les opérateurs de transport et de stockage
GRTgaz et Teréga assurent le transport du gaz en France via un réseau de gazoducs. Ces opérateurs garantissent l'acheminement depuis les points d'entrée jusqu'aux réseaux de distribution locaux. Les capacités de stockage en France permettent de constituer des réserves stratégiques pour faire face aux variations saisonnières de la demande.
| Pays exportateur | Volume 2023 (milliards m3) |
| États-Unis | 60,8 |
| Russie | 43,7 |
| Algérie | 41,2 |
| Qatar | 19,9 |
Consommation de gaz naturel en France
Le gaz naturel reste une source d'énergie majeure en France, avec une consommation annuelle d'environ 450 TWh en 2023. Les modes de consommation évoluent selon les secteurs d'activité et les périodes de l'année, reflétant les transformations du mix énergétique français.
Répartition par secteur de consommation
La consommation de gaz naturel en France se répartit principalement entre trois secteurs :
- Secteur résidentiel et tertiaire : 42% de la consommation totale
- Secteur industriel : 36% de la consommation
- Production d'électricité : 20% de la consommation
- Transport : 2% de la consommation
Évolution de la consommation nationale
Les données de consommation montrent une tendance à la baisse depuis 2021. La consommation française est passée de 474 TWh en 2021 à 450 TWh en 2023, soit une réduction de 5%. Cette diminution s'explique notamment par les efforts de sobriété énergétique et la modernisation des équipements.
Variations saisonnières
La consommation de gaz naturel connaît d'importantes variations saisonnières :
- Période hivernale (novembre-mars) : 65% de la consommation annuelle
- Période estivale (avril-octobre) : 35% de la consommation annuelle
Performance environnementale
Les émissions de CO2 liées à la consommation de gaz naturel en France représentent 89,2 millions de tonnes en 2023. Le secteur résidentiel génère 37,5 millions de tonnes, suivi par l'industrie avec 33,4 millions de tonnes et la production d'électricité avec 16,8 millions de tonnes.
Économie du gaz naturel en Europe
Le marché européen du gaz naturel connaît des transformations majeures depuis 2022. Les importations de gaz naturel en Europe s'élèvent à 403,9 milliards de m3 en 2023, dont 269,1 milliards par gazoduc et 134,8 milliards sous forme de GNL. Les principaux fournisseurs sont la Norvège, la Russie, l'Algérie et les États-Unis.
Structure du marché gazier européen
Le marché européen du gaz naturel repose sur deux types d'échanges :
- Les contrats à long terme indexés sur le pétrole
- Les marchés spot avec livraison immédiate
Principaux flux d'approvisionnement
La répartition des importations européennes en 2023 est la suivante :
| Pays fournisseur | Volume (milliards m3) |
| Norvège | 89,9 |
| Russie | 43,7 |
| Algérie | 41,2 |
| États-Unis | 60,8 |
| Qatar | 19,9 |
Enjeux géopolitiques et sécurité d'approvisionnement
La diversification des sources d'approvisionnement est devenue une priorité pour l'Europe. Le développement des terminaux méthaniers permet d'accroître les importations de GNL. Les interconnexions gazières entre pays européens se renforcent pour améliorer la résilience du système.
Stockage stratégique
Les capacités de stockage souterrain atteignent 100 milliards de m3 en Europe. Les pays membres ont l'obligation de maintenir des stocks minimaux pour faire face aux périodes de forte demande ou aux ruptures d'approvisionnement.
Transport et distribution du gaz naturel
Le transport du gaz naturel nécessite des infrastructures spécifiques pour acheminer cette ressource énergétique des zones de production vers les zones de consommation. Deux modes de transport principaux sont utilisés : les gazoducs terrestres et le transport maritime par méthaniers.
Transport par gazoduc
Les gazoducs constituent l'épine dorsale du réseau de transport gazier en France. Le réseau de transport principal s'étend sur plus de 32 000 kilomètres de canalisations haute pression. Le gaz naturel y circule sous pression (entre 40 et 80 bars) grâce à des stations de compression installées tous les 120-150 kilomètres. La vitesse moyenne de circulation est de 15 à 20 km/h.
Coûts du transport par gazoduc
Le transport par gazoduc représente un coût 4 à 5 fois supérieur au transport du pétrole par pipeline pour une même quantité d'énergie transportée. Cette différence s'explique par les infrastructures nécessaires : stations de compression, systèmes de contrôle et de sécurité, maintenance régulière du réseau.
Transport maritime par méthanier
Le transport maritime par méthanier permet d'acheminer le gaz naturel sur de longues distances lorsque les gazoducs ne sont pas envisageables. Le gaz est alors liquéfié (GNL) à -162°C, ce qui réduit son volume de 600 fois. Les terminaux méthaniers français se situent à Fos-sur-Mer, Montoir-de-Bretagne et Dunkerque.
Infrastructure portuaire
Les terminaux méthaniers nécessitent des installations portuaires adaptées pour :
- La réception des navires méthaniers
- Le stockage temporaire du GNL dans des réservoirs cryogéniques
- La regazéification du GNL avant injection dans le réseau
Distribution finale
Le réseau de distribution achemine le gaz naturel des réseaux de transport vers les consommateurs finaux. En France, ce réseau secondaire représente environ 200 000 kilomètres de canalisations moyenne et basse pression. Des postes de détente réduisent progressivement la pression du gaz pour atteindre 4 bars dans le réseau de distribution et 21 millibars chez les particuliers.
Impact environnemental du gaz naturel
Le gaz naturel, bien que souvent présenté comme une énergie de transition plus propre que le charbon ou le pétrole, génère des effets environnementaux qui méritent une analyse approfondie. L'examen des données récentes permet de mieux comprendre son empreinte écologique réelle.
Émissions de gaz à effet de serre
La combustion du gaz naturel produit principalement du dioxyde de carbone (CO2) et de la vapeur d'eau. Selon les données de la Base Carbone, les émissions directes liées à sa combustion s'élèvent à 205g CO2/kWh, soit environ deux fois moins que le charbon. Cependant, les fuites de méthane lors de l'extraction et du transport constituent un problème majeur, car le méthane possède un potentiel de réchauffement global 25 fois supérieur au CO2 sur 100 ans.
Pollution atmosphérique et qualité de l'air
Les études montrent que la combustion du gaz naturel dans les appareils domestiques génère des particules ultrafines, comprises entre 1 et 10 nanomètres. Une étude de 2008 révèle que même un chauffe-eau au gaz standard produit ces nanoparticules, bien qu'en quantité plus faible (0,1 microgramme par mètre cube) que d'autres combustibles fossiles.
Risques environnementaux liés à l'extraction
L'extraction du gaz naturel présente des dangers pour les écosystèmes, particulièrement dans le cas des gisements profonds (plus de 4000 mètres). Les techniques d'extraction non conventionnelles comme la fracturation hydraulique soulèvent des inquiétudes concernant la contamination des nappes phréatiques et la déstabilisation des sols.
| Type d'impact | Mesure |
| Émissions CO2 | 205g/kWh |
| Particules ultrafines | 0,1 µg/m3 |
| Profondeur critique d'extraction | 4000+ m |
Futur du gaz naturel
Les innovations technologiques transforment progressivement le secteur du gaz naturel en France. Les investissements dans la recherche et développement permettent l'émergence de nouvelles méthodes de production, transport et distribution plus écologiques.
Le développement du gaz naturel renouvelable
La production de gaz naturel renouvelable, issu de la méthanisation de déchets organiques, connaît une forte croissance. Cette technologie permet de valoriser les résidus agricoles et les déchets ménagers tout en produisant un gaz aux propriétés similaires au gaz naturel fossile. D'ici 2030, le gaz renouvelable pourrait représenter jusqu'à 10% de la consommation française de gaz.
Les innovations dans le transport et le stockage
Le transport du gaz naturel bénéficie de progrès techniques majeurs. Les réseaux de gazoducs s'équipent de capteurs intelligents permettant une surveillance en temps réel et une maintenance prédictive. Les technologies de liquéfaction du gaz (GNL) s'améliorent également, rendant le transport maritime plus efficace.
Digitalisation des infrastructures
Les gestionnaires de réseaux investissent dans la numérisation des infrastructures gazières. Les compteurs communicants se généralisent, permettant une gestion plus fine des flux et une meilleure adaptation aux besoins. Les systèmes de contrôle à distance limitent les interventions humaines et renforcent la sécurité.
Les perspectives d'investissement
Les investissements dans les technologies gazières restent soutenus malgré le contexte de transition énergétique. Les projets de recherche se concentrent sur :
- L'optimisation des processus de méthanisation
- Le développement du power-to-gas
- L'amélioration des technologies de stockage
- La réduction des émissions fugitives
Ce qu'il faut retenir sur le gaz naturel en France
L'avenir du gaz naturel en France est en pleine mutation avec le développement des énergies renouvelables. Le biométhane et l'hydrogène vert devraient prendre une place grandissante dans le mix énergétique. Les innovations technologiques dans le transport et le stockage, ainsi que les évolutions réglementaires, vont redessiner le paysage gazier français dans les années à venir, tout en contribuant aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.